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XVI



Au premier rang de ces amis moins brillants que sympathiques fut Henry Houssaye. Lorsqu’il arriva chez Leconte de Lisle son apparition fit sensation. Il avait dix-neuf ou vingt ans et venait de publier son Histoire d’Apelle. Des récits merveilleux l’accompagnaient. On se redisait qu’à sa sortie du lycée Napoléon, alors qu'il complétait ses études sous la direction de Philoxène Boyer, son père avait exigé qu’il fît au bal Mabille l’apprentissage des élégances parisiennes. Le vieil et brillant Arsène aurait même voulu lui faire adopter le ton du grand chic en lui donnant pour maîtresse une amie de Fille de l’air, sa propre maîtresse. Ces bruits manquaient évidemment de fondement ; mais leurs affirmations, auxquelles on ajoutait foi, faisaient, avec la tenue si correcte et si sérieuse du jeune Henry, l’effet d’un prodigieux contraste. On jugeait alors Arsène Houssaye d’après ses apparences, qu’il ne négligeait pas d’ailleurs comme élément de considération. Très aimable homme et boulevardier de marque, l’ancien chroniqueur de mil huit cent trente, doté de fonctions lucratives sous l’Empire, occupait, disait-on, avec quarante ou cinquante mille francs de revenus, avenue de Friedland, un hôtel qui représentait aux yeux ébahis du promeneur trois cent mille livres de rentes. Ancien directeur du Théâtre français, inspecteur général des musées, fécond polygraphe, historien des jolies femmes de