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vingt années qui suivirent la guerre, il allait publier plus de quarante ouvrages, romans, poésies, pièces de théâtre, il venait, à trente-quatre ans de faire imprimer l’initial volume de vers qui marque tous les débuts. Dès lors son bagage, qui consistait en communications de petits poèmes et de Nouvelles à des journaux ou des revues, ne lui créait pas encore, ainsi qu’à Pâris et Prudhomme, des droits à la grande considération et, dans le salon de Leconte de Lisle, il se plaça parmi les causeurs secondaires qui n’ont pas le souci de l’effet. Les habitués l’appelaient à tort « le comparse », car il n’était pas un auditeur muet ; ils le considéraient comme un « sous-Octave Feuillet » ; nous devons croire que son excès de réserve lui faisait tort.

D’ailleurs, dès l’instant que pour faire un causeur, les dons d’élocution doivent nécessairement s’unir aux dons de l’esprit, ce n’est pas étonnant que les meilleurs lettrés ne brillent pas toujours dans la discussion. Souvent de moins illustres y réussissent davantage ; c’est ainsi qu’on avait escompté comme une bonne recrue pour le salon de Leconte de Lisle Jules Andrieu.

Cet Andrieu, délégué plus tard par la Commune aux services publics de la ville de Paris, fut, en raison de ses fonctions, chargé de faire procéder à la démolition de la colonne Vendôme et de la maison de M. Thiers. Condamné deux fois, à dix ans pour cette démolition, à mort pour l’ensemble de sa participation à l’insurrection, il put se soustraire aux recherches, caché pendant deux mois chez Lion, ingénieur civil, qui devait être quelques vingt ans plus tard trahi par les affaires, comme tant de braves cœurs mal armés pour la lutte et dont la vie fait des victimes. Il quitta Paris sous un costume de conducteur des ponts et chaussées, se rendit à Londres, où des qualités distinctives lui concilièrent la faveur des Anglais. Il réussit rapidement à gagner de très belles