Page:Calmettes - Leconte de Lisle et ses amis, 1902.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme il venait d’écrire un article injurieux à l’adresse de Banville, Glatigny, qu’assistait Mendès, le rejoignit au caté Véron, passage Choiseul, et lui mettant seulement un doigt près du visage, tant il éprouvait de répugnance à le toucher, il fit le simulacre de lui donner une gifle. Je ne prétends pas que Wolff fût à ce point répulsif ; il avait des grâces apprises, des façons de mettre à l’aise qui rendaient très supportable son commerce de camaraderie boulevardière ; cependant ce fut lui qu’éclaboussa le plus violemment la rancœur des maîtres. Communément traité d’« ignoble Wolff » chez Hugo, d’ « horrible singe » chez Banville, de « hideux macaque » chez Leconte de Lisle, de « glabre eunuque ou de casse-noisette sans sexe » par le Parnasse tout entier, il ne pouvait être le sujet de la moindre allusion sans que celle-ci fût accompagnée de gestes nauséeux destinés à faire comprendie « qu’il appelait la cuvette ». Toutefois, vilipendé sans merci par la haute littérature, il fut adulé sans restrictions par les peintres et par les sculpteurs qui, vingt années durant, lui mendièrent des louanges en s’efforçant de les acheter par des cadeaux d’esquisses et par toutes autres politesses. Témoins de ces prosternations les haut-lettrés accusèrent la race des artistes d’être la plus plate des races ; les peintres répondirent que, s’ils semaient à la curée des croix et des commandes, ils avaient pour émules les poètes tendant la main aux distributions de pensions et de places ; ce qui permit à certain directeur des Beaux Arts, qui connaissait les deux parties, de clore le débat par cet arrêt suprême : « La platitude des Arts n’a d’égale que la platitude des Lettres et réciproquement. » Puis le temps fit son œuvre d’apaisement et, quand le grand lama de la critique figariste mourut en 1891, depuis longtemps affaibli par le mal qui devait l’emporter, il avait laissé s’assoupir la lutte. Pour ma part je ne puis me rappeler Albert Wolff sans qu’un sentiment de pitié se mêle au souvenir de