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de voltige de la versification. On se rappelle qu’au concert de l’Alcazar, à force de prestesse, il improvisa devant la rampe et sur des bouts rimes que lui fournissait la salle des sonnets et des ballades donnant l’impression de réelle poésie. Miracle de prestidigitateur, chez lequel les qualités de brio n’excluaient cependant pas l’enthousiasme d’une passion sincère. Et ce qui le fit aimer des poètes, ce fut son admiration pour les maîtres. Il fut plutôt l’élève de Banville. Leconte de Lisle, dont il avait conquis les sympathies, n’exerçait pas sur lui d’attirance. À cet enfant perdu du lyrisme, la compagnie d’un génie hautain devait paraître austère ; il fallait pour le séduire et le retenir, les grâces papillotantes d’un salon moins sévère ; il fallait avant tout la brasserie.

Très jeune, Glatigny courut les gourgandines qui prirent sa vie, ses poumons et ses moelles, et, si ses amis purent lui reprocher d’être trop facile sur le choix, il eut du moins l’excuse de modifier ce choix presque tous les jours. Il s’engueulait mais ne s’acoquinait pas ; par suite du partage à peu près égal de son cœur entre Théodore de Banville et les filles, sa première et sa plus noble passion venait sans cesse l’arracher aux matérialités de la seconde ; car Banville représentait pour lui non seulement l’autorité la plus haute d’un maître, mais l’incarnation même de la poésie.

C’est à la lecture des Cariatides et des Stalactites que s’était produite en son cerveau la révélation poétique ; il en gardait un souvenir de tendre reconnaissance. On sait que, timide et n’ayant rien d’agressif, se trouvant à Paris depuis cinq ou six ans sans s’être attiré l’ombre d’une querelle, il ne put résister à l’ardeur de se dresser en défenseur de son maître outragé par Albert Wolff, Ce Wolff, improvisé critique d’art, s’était, d’après la ligne de son journal et d’accord avec son sens profond d’inesthétisme, fait le champion des poétereaux contre les vrais poètes.