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s’attache aux gloires plus universelles, ne suivit pas ce mouvement ascendant de réputation. Mallarmé s’en étonnait et souffrait intérieurement de se voir ainsi réduit à la situation mesquine et difficile de prince sans argent.

Il faut les illusions du faste pour draper la gloire et pour masquer son néant ; autrement on n’en subit que la gêne. Car c’est le sort de tous ceux qui parviennent au rang de chefs d’école d’être condamnés à ne plus agir qu’en dehors d’eux-mêmes, pour le monde dont le regard reste fixé sur leurs attitudes, pour la galerie prête à battre des mains au moindre propos qu’ils énoncent. Ils doivent parler par axiomes, que l’auditoire recueille comme de saints apophtegmes et, lorsqu’ils ont l’envie de se taire, il leur faut encore payer de la mine et du geste, afin qu’il soit fait état même de leur silence. Du sommet où leurs disciples et leurs admirateurs les hissent, qu’ils laissent tomber de prétentieuses maximes comme Hugo, des ironies perfides comme Renan, des phrases brèves, résumées condensée et réduites comme Mallarmé, tous bénissent un peu leur classe. Leconte de Lisle lui-même, qui s’était institué le camarade de la jeunesse parnassienne, Leconte de Lisle, ennemi de l’esprit pédagogique, fut cependant, sur la fin de sa vie, forcé de jouer au chef d’école. Ce n’est pas qu’il n’en eût de tout temps revendiqué l’autorité ; car ce fut un jaloux de célébrité. Anatole France, convaincu des vanités de la gloire, aime cependant les caresses louangeuses, les effluves flatteurs, par cette unique raison qu’un zéphir admiratif est plus doux à sentir qu’une douche de critique à l’eau froide. Simple chatouillement d’épiderme. Leconte de Lisle au contraire avait pour cette même gloire une passion profonde, à la manière des grands esprits du dix-huitième siècle qui s’en étaient fait un article de foi. Personne plus que lui ne fut soigneux de son nom. On cite encore la très orgueilleuse réponse qu’il fit au