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pléant au lycée Condorcet. Premier désavantage, Mallarmé se présentait à ses collègues porté par un petit coup d’état universitaire. Ses cours furent le reflet de lui-même, à la fois discrets et distingués. Correct dans les actes ordinaires de la vie, lucide et net en dehors de l’obnubilisme qu’il réservait au verbe supérieur, à la souveraine poésie, il n’en gêna pas moins les Universitaires pas sa position de Prince des poètes décadents. Les parents des élèves ne surent pas distinguer l’homme du poète et demandèrent, avec des airs soucieux, si le professeur de leurs iils était la même personne que le chef des symbolistes dont on citait certaines pièces de vers qui pourtant n’étaient pas plus confuses que la fameuse Hérodiade, à laquelle j’emprunterai seulement le fragment suivant, facile à détacher parce qu’il se compose en petit tableau.


.....J’aime l’horreur d’être vierge et je veux
Vivre parmi l’effroi que me font mes cheveux
Pour, le soir, retirée en ma couche, reptile
Inviolé, sentir en la chair inutile
Le froid scintillement de ta pâle clarté,
Toi qui te meurs, toi qui brûles de chasteté,
Nuit blanche de glaçons et de neige cruelle !


À cette époque Mallarmé s’exprimait presque en clair. Les journaux ne publiaient passes interwiews en style de dédales et de labyrinthe. Il en était à peine aux débuts du « fluent » et du « déliquescent », deuxième état de son esprit qui recherchera seulement un peu plus tard l’effet poétique dans l’effacement complet de l’image et le fuyant total des contours. Seuls les esprits divinateurs pouvaient prévoir son troisième état, ce paroxysme de « l’abscons » que nous ont révélé les poèmes postérieurs, notamment ceux qu’a publiés la Revue Pan. Pour l’édification du lecteur, j’en extrais un modèle qui n’est pas des plus obscurs :