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XIII



Descendant du Représentant à la Convention, Mallarmé, dont l’aïeul avait provoqué des mesures de rigueur contre les Girondins et voté la mort du Roi, fut un délicat ami du rêve, ennemi de l’action, et la contradiction entre les agissements de son aïeul et sa complexion d’àme repliée sur elle-même fut la cause d’une première gêne. Au pensionnat aristocratique d’Auteuil, où ses parents l’avaient placé comme élève, il fut mis au ban des nobles et garda de cette injustice initiale le dégoût des contacts, l’attirance vers la retraite et le besoin de réserve ; un séjour en Angleterre développa son penchant naturel à la rêverie, puis l’acceptation d’une place de professeur d’anglais au lycée de l’antique ville de Tournon, dans l’Ardèche, le mit au régime de l’isolement provincial, propice à l’éclosion de l’état visionnaire. De ces influences si diverses sa vie se trouvait déjà faite quand Seignobos, Ardéchois d’origine, ancien élève du lycée de Tournon et qui connut occasionnellement Mallarmé, le fit revenir à Paris. Ce n’était pas aisé. Mallarmé n’avait passé qu’un petit examen, suivant la pratique admise sous l’Empire ; la République exige l’agrégation. Mais Seignobos était de ceux qui, lorsqu’ils ont promis un service, savent le rendre. Avec l’aide de Mlle Breton, fille du directeur de la maison Hachette et fiancée malheureuse d’Henri Regnault, il obtint de Jules Simon que Mallarmé fût nommé sup-