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II



Debout ! Pour Leconte de Lisle, l’heure était venue de donner l’essor à son âme républicaine. De son île, il sentait chauffer là-bas, pour l’éruption prochaine, les idées qui depuis des siècles travaillent le vieux monde. « La tâche sainte, écrit-il, est de ramener les hommes vers l’Éden », et ce retour à l’idéal de justice qui tourmente la meilleure partie de notre humanité, la France allait se battre pour essayer de le réaliser, la France chevaleresque et révolutionnaire, vers laquelle Leconte de Lisle était décidé coûte que coûte à s’embarquer.

Il correspondait avec des amis qu’il y avait laissés, notamment avec Désiré Laverdant, son compatriote, phalanstinien militant et qui lui fit accepter une place de collaborateur à la Démocratie pacifique. C’était un journal né du besoin qu’avait son directeur de dépenser au service des idées fouriéristes une suractivité non moins imaginative que physique. Sectaire brillant, ardent humanitaire, Victor Considérant, ce directeur, avait, grâce à des qualités d’éloquent apôtre et d’inlassable propagandiste, réalisé la plus surprenante des chimères. Il était parvenu, contre toute prévision logique, à persuader à la classe aisée, soucieuse de jouir, qu’elle gagnerait un supplément de jouissances par l’application des théories sociétaires. Avec l’argent des riches il avait fondé d’abord un journal mensuel, puis une revue, la Phalange, finalement ce journal quotidien, la Démocratie pacifique.