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XII



Heredia, dans le premier salon, celui des demi-gueux et des simple-vêtus, formait contraste par la coupe irréprochable de son pantalon. Se faire habiller cboz un bon tailleur constituait à son avis la condition première de ce qu’il appelait être un homme du monde et, pour lui, tout se réduisait à l’être ou ne l’être pas. Lorsqu’il élevait quelqu’un très haut en considération, il ne manquait pas de conclure : « Et puis c’est un homme du monde », ce qui donnait un peu d’humeur aux autres familiers de la maison. Ils accusaient Heredia de leur laisser entendre : « Celui-là, je le reconnais ; riche et bien mis, il est des nôtres. Vous, vous n’en êtes pas ». Mais rien n’était plus loin de sa pensée, qui n’incline guère à la malice, et, le sachant au demeurant bon garçon, les sans-façon du Parnasse se contentèrent, pour toute vengeance, de renoncer en son honneur aux banalités de la langue vulgaire et de le désigner par une belle appellation grecque : O anthrôpos tou cosmou, ce qui signifie l’homme du monde dans l’idiome classique des élégances.

Et c’est bien vrai qu’Heredia, comme tous ceux dont les vertus sont négatives, n’a pas en soi d’être méchant. Il ne se rattache pas aux gens de Lettres par leur commune faiblesse, car il ignore les jalousies du métier, et ses grâces toutes spontanées restent rebelles à l’esprit de rancune qui demande des calculs et des combinaisons. Ses interjections réitérées à propos de