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de Malte, primitivement de Rhodes, bien que l’histoire de cette dernière île fût depuis longtemps séparée de celle de la Grèce. Sa fantaisie n’eut pas de suites. Désigné de ce fait à l’empereur et reçu, je crois, par Bassano, Villiers n’obtint même pas une pension dont l’offre eût été sensible à son goût marqué pour les bénéfices faciles et les avantages gratuits, ce qu’on appelle en argot « les choses à l’œil », d’où ses amis l’affublaient du sobriquet « oculiste », Villiers oculiste et roi de Grèce.

Il laissait plaisanter et restait sérieux, car ses extravagances avaient leur logique. Il ne voulut pas être autre chose que comte, quoique son père fût titré plus haut. Un Lusignan n’était pas prince, mais marquis ; un Coucy s’enorgueillissait de s’intituler sire ; comte fut le titre de tous les grands Villiers, notamment du fameux Jean, maréchal et grand baron de France, qui servit alternativement tous les maîtres dont il pouvait tirer profit, le duc de Bourgogne, le roi d’Angleterre et le roi de France. Ce Villiers-là fut un sanglant châtieur d’hommes et, lorsqu’en 1418 il surprit Paris que Perrinet Leclerc livrait aux Bourguignons en sa personne, ce fut pour consommer un terrible massacre d’Armagnacs. En dépit d’un ensemble d’actions aussi peu recommandables, l’implacable capitaine fut l’objet d’une sollicitude particulière de la part de son arrière-descendant, notre Villiers, qui ne craignit pas d’intenter à son sujet un procès à Joseph Lockroy. Ce Lockroy, père de l’ex-ministre actuel, fut un acteur distingué mais un médiocre auteur. En collaboration avec Anicet Bourgeois, il commit notamment un drame représenté sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin et, dans ce drame où la pure fantaisie s’était brochée sur un fond très faible d’histoire, il faisait figurer Jean Villiers comme un traître. Lockroy composait de l’histoire ancienne avec des sentiments modernes. Pour une époque où les nationalités n’avaient pas conscience d’elles-mêmes, où n’existaient que des