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elles durent, le lendemain, rejoindre le bureau des reconnaissances.

Las des décorations fictives, Villiers voulut enfin en posséder une vraie. Les palmes académiques se donnaient à des savetiers (je ne parle pas au figuré) ; Villiers crut n’avoir qu’à les solliciter pour les obtenir. Ses amis essayèrent de le détourner de cette démarche qu’ils estimaient d’une indignité flagrante pour un artiste de sa valeur, mais il était de ceux qui pouvaient avoir refusé le plus pour accepter ensuite le moins, dût ce moins être humiliant à l’égal d’une décoration académique. Il couvrit donc de ses titres quatre pages de papier grand format, sur lesquelles étaient énumérées toutes ses œuvres faites et toutes les œuvres à faire, celles-ci si nombreuses que deux existences d’homme ne devaient pas suffire à les écrire. Ainsi chargée d’une récapitulation beaucoup trop pompeuse relativement au but modeste qu’elle voulait atteindre, la demande parut émaner d’un superlatif esbroufeur. Le bureau de l’Instruction publique ignorait jusqu’au nom de Villiers, comme en témoigne la mention : « Inconnu » mise en marge de la première des quatre pages. Ces pages datent de 1879 ; depuis vingt-trois ans Villiers publiait des poésies, des romans, des drames, et le ministère, spécialement institué pour être renseigné sur son genre de mérite, le prisait moins qu’un gniaf. Il fut très choqué de ce résultat ; car, s’il eut toutes les ambitions, de la plus grande à la moindre, ce fut avec sincérité. Villiers n’était pas un esbroufeur, mais un illusionniste.

Lorsque la velléité l’avait pris de poser sa candidature au trône de Grèce en 1862, après le renversement du Bavarois Othon, dont le gouvernement rétrograde avait lassé le peuple hellène et provoqué plusieurs conspirations suivies de deux insurrections, ce n’était pas de sa part une impertinente boutade ; il invoquait des droits comme héritier des chevaliers