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Et voilà comment il procédera toujours. Au déclin de sa vie, ébloui par un de ces éclairs d’amour qu’on appelle improprement des réveils séniles et qui sont peut-être la lueur d’allégeance, le reflet de douceur, l’aube mystérieuse voilant de clartés sereines le seuil de l’ombre éternelle, il voulut confier au monde le secret de cette passion suprême. Celle qu’il aimait était un très beau modèle pour une peinture de style, une Juliette plastique aux cheveux d’or, superbe de tout le buste, admirable de la gorge, type de race auquel les juges les plus sévères n’ont pu reprocher qu’un peu trop de majesté. Sur le regard clair, de longues paupières répandaient, avec la volupté de leur ombre, ce fluide glissant, ce coulant d’âme indéfinissablement séducteur ; mais, au lieu d’un tel portrait à la manière du Titien et tel que l’offrait la nature, il composa la pièce suivante intitulée : le Sacrifice.


Rien ne vaut sous les cieux l’immortelle Liqueur,
Le Sang sacré, le Sang triomphal que la Vie,
Pour étancher sa soif toujours inassouvie,
Nous verse à flots brûlants qui jaillissent du cœur.

Jusqu’au ciel idéal dont la hauteur l’accable.
Quand l’homme de ses Dieux voulut se rapprocher,
L’holocauste sanglant fuma sur le bûcher.
Et l’odeur en monta vers la nue implacable.

Domptant la chair qui tremble en ses rébellions.
Pour offrir à son Dieu sa mort expiatoire,
Le martyr se couchait, sous la dent des lions,
Dans la pourpre du sang comme en un lit de gloire.

Mais, si le ciel est vide et s’il n’est plus de Dieux,
L’amère volupté de souffrir reste encore.
Et je voudrais, le cœur abîmé dans ses yeux,
Baigner de tout mon sang l’autel où je l’adore !


Je ne chercherai pas à savoir pourquoi Jean Dornis (je répète que ce pseudonyme est celui d’une dame) s’efforce de nous persuader que le Sacrifice est un acte