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sa femme la fatigue du roulement, l’ami s’était chargé de la voiture, dont l’embarras un peu vulgaire gênait les causeurs ; car Bourget était déjà l’homme soucieux des élégances, le futur auteur qui devait persuader à certaine fraction de notre génération qu’on ne s’habille bien qu’en Angleterre et qu’il faut faire blanchir le linge à Londres. Partageant avec un chef de rayon des magasins du Louvre un appartement confortable et le service d’un petit domestique, il nous en imposait par ses recherches de délicatesse mondaine et notamment par ses quatre savons à l’usage distinctif du visage, des mains et du corps. Et nous admirions ses belles cravates de taffetas, ses pantalons à la mode de l’époque, collants, serrés à la cheville et qui l’obligeaient à se tenir assis les jambes allongées pour ne pas distendre le drap au genoux et déformer la coupe, de même qu’ils le forçaient à contourner ses pieds assez difficiles à présenter avec avantage.

La causerie s’était engagée sur la question du qualificatif générique et certes il fallait tout l’intérêt qu’il attachait au sujet pour retenir le curieux de mondanités en compagnie d’un pousse-bébé sur le trottoir. Pourtant, malgré son évident malaise, Bourget s’efforçait de justifier son principe et notamment par cet exemple. Dès lors que l’adjectif beau contient en soi toutes les variantes de la beauté, l’emploi des mots répondant à ces variantes ne peut avoir d’autre résultat que de rendre affaiblie de quelques degrés, diminuée par des acceptions secondaires, l’idée que le mot principal, impliquant le sens le plus large, exprime tout entière. Alors pourquoi s’imposer le travail de chercher des épithèles particulières pour arriver à dire moins que ce qui peut être dit sans tant de peine.

Évidemment, par cette théorie, Bourget essayait de répondre aux critiques que le Parnasse adressait à ses vers, taxés de « vers quelconques » parce que le