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Poésies barbares, poésies de sauvage, de Sarmate, de Scythe et d’Ostrogoth, s’écriaient, imprimaient ses détracteurs. Mais un titre, même ridiculisé par les follicules de boulevard, n’entraîne pas la condamnation de l’œuvre entière, et le succès qu’elle obtenait dans le clan des jeunes enthousiastes avait décidé Jacquemart à faire une ouverture qui lui taquinait la cervelle. Un jour qu’il était venu voir Leconte de Lisle, il lui posa cette question sans autre préambule :

— Est-ce que tu ne prépares pas ton élection à l’Académie ?

Leconte de Lisle répondit qu’il croyait avoir suffisamment indiqué par les plus méprisantes paroles le peu de considération qu’il nourrissait pour la « trop illustre » compagnie, ce qui lui valut cette riposte :

— Prétendrais-tu, par hasard, ne te mêler qu’aux gens dignes de ton estime ?

Interloqué par cette leçon de morale circonstancielle, Leconte de Lisle eut recours à la façon d’ironie qu’il affectait pour échapper aux débats embarrassants.

— Ce serait, reprit-il, me faire une assez vilaine farce à moi-même ; car, si je manifestais la moindre velléité de monter seulement ses escaliers, l’Académie tout entière se dresserait pour me les faire descendre à coups de pied, tu sais dans quelle partie de ma personne ; à moins qu’elle ne me prît pour une résurrection de son Virgile français, du vieil abbé Delille.

— Essaye. Qui ne risque rien, n’a rien.

— Mais pourquoi veux-tu que je me livre à ce genre d’exercice ridicule ?

— Eh ! parbleu ! pour te tirer de la tourbe.

Le mot, cruellement brutal, était d’autant plus significatif, que la franchise bourrue de Jacquemart


    mer en quelque sorte l’unité de I’œuvre par l’étiquette et de préparer la venue des Poèmes tragiques.