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homme supérieur. Elle ne s’imposait dans aucune conversation et, si je ne craignais d’être mal compris et de donner à supposer qu’elle changea par la suite, je dirais qu’elle apparaissait en ce temps-là toute parée de ses bonnes qualités. Sans doute, après une surprise presque tragique dont je parlerai plus tard et qui vint ajouter de cruels soucis aux ennuis d’une gêne trop longtemps soufferte, elle a pu, sous l’empire des circonstances, prendre un air plus refermé, laisser percer des lueurs d’humeur assez naturelle chez tous ceux que la vie n’a pas traités en enfants gâtés ; mais ceux-là n’ont pas moins fait preuve de résistance s’ils ne se sont pas aigris tout à fait. Ne faut-il pas aussi tenir compte d’ineptes attaques, de sourdes chicanes qui si longtemps ont à son sujet taquiné, comme des piqûres de guêpe, la vie de Leconte de Lisle ? Conséquemment à leur tempérament commercial, les éditeurs s’étendent en récriminations contre tout auteur pauvre qui réitère à leur caisse des appels anticipés, et les bons confrères en littérature, inclinés vers la médisance par besoin de pittoresque, s’emparent volontiers de ces récriminations pour en faire de la menue monnaie d’esprit. Que n’ont-ils pas débité contre les soi-disant manies dépensières de Mme de Lisle, qui suivant eux eût été la cause incessante des dépressions financières de son mari ! Ne suffit-il pas, pour en donner la mesure, de rappeler le fameux peignoir en cachemire rose, qui pouvait valoir de vingt à trente petits écus et qui, de bouche en bouche, finit par être évalué douze fois plus ? L’a-t-on assez fait et refait le parallèle entre cette fantaisie ruineuse indûment cotée huit cents francs et le travail étroit, mal rétribué, toujours douloureux, sur le produit duquel elle eût été prélevée ! J’ignore quelle place les Mémoires de l’avenir accorderont aux toilettes de la femme dans l’histoire du mari ; mais ce que je sais bien, c’est qu’après son mariage, à l’âge qui le plus souvent livre la femme aux entraînements