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heures d’apprentissage, heures ardentes et si réconfortantes pendant la période incertaine des débuts. Emporté par sa fièvre de transformation, Mendès voulut tout modifier en son disciple, jusqu’au prénom Francis qui lui paraissait une forme mièvre, aux caressantes fadeurs de diminutif, et dont il provoqua le changement en François, forme plus pleine et plus mâle, d’une consonance solide et bien assise. Francis avait aussi le tort de rappeler le règne de Louis-Philippe, l’époque impersonnelle où le sentiment bourgeois, encore tout imprégné de romantisme, baptisait les enfants à la mode des littératures étrangères et s’alanguissait au souvenir d’Elvire ou des enfants d’Édouard (Coppée s’appelle également Édouard). Quant à François, par suite d’une réaction marquée vers les vieux noms de France, il plaît mieux à notre temps. Toutefois on a dit qu’en se montrant affectueusement inquiète et doucement réservée devant ce caprice d’ami qui lui changeait un peu le fils de sa tendresse, la mère de Coppée ne s’était pas trompée dans le pressentiment de son délicat instinct. Elle sentait sans doute que, des deux noms, le plus sentimental seyait mieux à la complexion poétique de ce fils qui ne dut jamais cesser d’être à son regard maternel son petit Francis ; mais François s’est affirmé par trente-deux ans de succès ininterrompus et, si j’ai rappelé son origine, ce n’est pas pour en discuter la valeur, c’est pour indiquer par cet exemple le genre d’interventions directes que Mendès n’a jamais craint d’exercer à l’égard des hommes, jeunes ou vieux, dont il était à la fois l’admirateur, le partisan, le panégyriste et l’ami. De ces quatre mots il a toujours fait des synonymes. Et ce qu’il venait d’être avec Coppée, ce qu’il était avec tous ceux que ses préférences adoptaient, il le fut avec Leconte de Lisle, non pas qu’il songeât à lui suggérer un remaniement appellatif analogue à celui de Francis en François. Charles Leconte de Lisle ne s’est jamais servi pour