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inclinait à tenir pour vraies les impressions malveillantes et les propos artificieux répandus sur Mendès par les victimes de ses excitations narquoises ou par des envieux. Mais ce qu’il apportait à Leconte de Lisle, ce n’était pas son déguisement dont il laissait la défroque à la porte ; c’était son vrai fonds, c’était lui-même, pénétré d’admiration pour le Beau poétique, soumis à la ferme discipline du travail et serviteur obstiné de l’art. Il était à peine un jeune homme et savait déjà son métier de poète, car il en connaistait admirablement la technique et pouvait en exposer avec l’aisance d’un rhéteur distingué toutes les règles et toutes les délicatesses. Bien qu’il arrivât chez Leconte de Lisle avec des humilités d’élève, on peut dire qu’il avait certaines qualités qui participent du maître. Incapable de jamais rien garder pour soi seul, toujours prêt à partager ce qu’il possédait et même ce qu’il ne possédait pas, prodigue de son bien plus encore que du bien des autres, il appartenait à cette race de lettrés magnifiques qui sont heureux d’avoir acquis le savoir pour pouvoir le transmettre.

François Coppée, son cadet de huit mois seulement, n’en était alors qu’aux essais et venait d’écrire plusieurs milliers de vers d’une facture trop facile qui sentait encore le jaunet de collège ; il les soumit à Mendès et celui-ci les jugea bons à brûler. Or, jamais Mendès n’est resté sur un conseil négatif. Il s’institua non seulement l’éducateur théorique, mais mieux encore l’instituteur pratique, le répétiteur à la tâche de Francis Coppée. Sans rien ménager de sa nature expansive et dépensière, il n’entrevit qu’un but, faire de ce nouveau camarade, entré d’hier dans sa vie, ce qu’il était lui-même, un excellent ouvrier du vers, un rimeur souple et sûr, dont l’inspiration humble ou noble, puissante ou délicate, tendre ou grave selon le don individuel, pourrait du moins être servie par une connaissance parfaite du métier. C’est à l’honneur de Coppée d’avoir souvent rappelé ces