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par exemple, auquel il reconnaissait un talenticule joliet et tendrelet à l’usage des émotions faciles, mais nullement la faculté souveraine du vrai poète. Et, devant cette adulation factice qui heurtait en lui le grand sentiment de justice et de foi littéraires, il n’était pas de tempérament à se cuirasser de dédain comme Alfred de Vigny, comme Théophile Gautier à se barder d’indifférence. Il réclamait très haut qu’on fit autour de lui le silence. Les journaux s’obstinant à le classer uniquement parmi les poètes-archéologues pédants de savantise, il leur criait, puisqu’ils le comptaient pour si peu, de lui laisser au moins la paix des humbles et de l’abandonner à son indignité.

Je ne prétends pas que, tout en se repliant en cette apparence de réserve boudeuse, il eût été fâché qu’on forçât un peu sa retraite. Un instinct de pudeur, la peur des froissements possibles le retenaient dans la poursuite des honneurs, et certes il ne se gênait pas pour taxer de « cynisme détestable » la belle assurance avec laquelle Victor Hugo courait au-devant de l’article louangeur, fût-ce dans la dernière feuille d’une dernière ville de province. Mais, s’il se gardait sévèrement de telles palinodies, s’il bornait sa recherche à la plus haute inspiration vers son art, ce n’était pas sans le secret désir d’atteindre par ce chemin de la perfection à quelque illustre renom ; comme tous les aspirants à la gloire, il devait redouter le mortel silence plus encore que la critique vive. Il ne put cependant retenir un éclat contre elle, quand l’excès des tracasseries ineptes fit, à quelques années de là, jaillir sa rancœur.

Francis Magnard venait de quitter l’administration des contributions indirectes pour rédiger à cet ancien Figaro, sous le titre Paris au jour le jour, le compte rendu des journaux et des recueils périodiques. Belge d’origine, ex-élève des Jésuites, il ne se disait pas encore républicain. Observant la règle suivie par le journal à l’égard des libéraux dont l’éloge eût déplu