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Si la chose vous intéresse, vous pourrez, quand vous reverrez Mocaër, lui demander communication de mon petit manuscrit de poésies bretonnes. Poésies religieuses, pour la plupart, destinées à être publiées après la guerre.

Une poignée de main à la bretonne et veuillez, cher Monsieur, me croire

Votre bien cordialement dévoué
CALLOC’H.



À M. Lucien Douay.
Aux tranchées, le 10 Novembre 1915
Cher Lucien,

Aimez-vous la musique ? Si oui, vous auriez eu des joies aujourd’hui, en supposant qu’on vous ait envoyé me rejoindre à temps pour assister à la chose. La chose, c’est un bombardement. 75, 80 de montagne, 90, 95, 105, 150 et pièces lourdes et crapouillots, tout ce monde là s’est mis à chanter vers onze heures. Une chanson française bien entendu. Mais il y en a une boche aussi, la réponse, qui comporte plusieurs couplets tout comme l’autre. Celui du 77, par exemple, du 75, hélas ! aussi, car ils nous en prirent quelques-uns, voici un an ; celui du 88 autrichien, bon ténor ; le cafouillis du 150, qui n’éclate pas ; le roulement du 210 ; les points d’orgue épouvantables du fameux minenwerfer. (Ah ! si nous le connaissons, celui-là !) Tout ça fait un ensemble de sons assez réussi, sous un ciel de pluie froide, dans un décor de terre remuée pleine de cadavres, de fils de fer barbelés et de rats. J’étais précisément, lorsque votre bonne lettre m’advint, en tram de terminer un rapport sur les dévastations nocturnes auxquelles ce dernier genre d’animaux se livre dans mon secteur.