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LE SECRET À HAUTE VOIX.

la duchesse.

Oh ! que je m’applaudis de l’avoir privé de l’occasion que son amour espérait ! J’ai à craindre, il est vrai, de nouveaux rendez-vous, mais ma vigilance saura les empêcher.

fabio, à part.

Si elle s’y prend toujours de même, certes elle n’avancera pas à grand’chose.

la duchesse.

Fabio ?

fabio.

J’attendais pour vous parler, madame, qu’il s’en fût allé, et, en attendant, je faisais semblant de regarder ces tableaux.

la duchesse.

Dis-moi, pendant la route, ton maître montrait-il beaucoup de chagrin de cette absence ?

fabio.

Quelle absence ?

la duchesse.

Celle qu’il a faite cette nuit.

fabio.

Quoi ! madame, vous pensez qu’il a voyagé cette nuit ?

la duchesse.

Comment cela ne serait-il pas, puisqu’il m’apporte la réponse du duc, non-seulement scellée de son sceau, mais tout entière écrite de sa main.

fabio.

Que sais-je ? Il est sorti avec moi, mais au bout d’une lieue, tout au plus, avec moi il est revenu.

la duchesse.

Que dis-tu là ?

fabio.

La vérité la plus vraie qu’il y ait au monde. Il m’a laissé à la maison en me commandant, comme à l’ordinaire, de ne pas sortir, et il est allé s’amuser.

la duchesse.

Cela n’est pas possible.

fabio.

S’il n’est pas allé s’amuser, il est allé s’ennuyer.

la duchesse.

Allons, achève.

fabio.

Au matin il est revenu, et si joyeux, si content, qu’on voyait bien qu’il avait eu ce qu’il voulait.

la duchesse.

Tu mens, impudent que tu es !