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LE SECRET À HAUTE VOIX.

henri.

Il est vrai que je n’en aurais témoigné une semblable à personne

frédéric.

Ne parlons pas de cela ; que ce valet ne sache pas qui vous êtes

fabio, à part.

J’ai beau faire pour savoir qui est cet hôte qui nous vient d’arriver, et qui fait tant de mystères sans être ni le rosaire, ni le curé[1], je ne puis y parvenir.

frédéric.

Comment trouvez-vous ce parc ?

henri.

Je ne crains pas de dire que dans tous les récits fabuleux que j’ai lus pour me divertir, aux heures de loisirs où j’occupais encore mon intelligence, je n’ai rien vu d’aussi beau, d’aussi noble, d’aussi brillant que le parc qui s’offre en ce moment à mes yeux. Il me semble voir ou les bocages de Diane, ou les jardins de Vénus.

frédéric.

La belle Flérida est plongée dans une telle mélancolie, — le ciel, sans doute, la lui a envoyée pour la punir de ses perfections, — qu’elle cherche et que nous cherchons sans cesse pour elle de nouvelles distractions. C’est dans ce but qu’en cette matinée de mai elle est descendue dans ce lieu paisible et charmant, où elle a trouvé un concert d’instruments et de voix.

henri.

Je m’étonne fort, je l’avoue, qu’à son âge, avec sa beauté et son esprit, elle ait permis que la tristesse ait pris sur elle un empire si absolu, et qu’étant née duchesse de Parme et douée par le ciel de tant d’admirables qualités, elle n’ait pu éviter les coups de la fortune. Se peut-il bien que personne ne connaisse la cause de son chagrin.

frédéric.

Non, personne.

fabio.

Comment, personne ! Moi, je la sais.

frédéric.

Toi ?

fabio.

Certainement.

frédéric.

Eh bien, parle, qu’attends-tu ?

henri.

Hâte-toi.

fabio.

Vous me garderez le secret ?

  1. Nous avons reproduit une plaisanterie un peu hasardée sur le double sens du mot mystère.