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JOURNÉE III, SCÈNE II.


LOUIS PEREZ et MANUEL se montrent.
manuel.

Ici, seigneur, si vous êtes bien aise de le savoir.

louis.

Dieu garde les honnêtes gens ! — Enfin, nous voici tous réunis.

jean-baptiste.

Ô ciel ! que vois-je ?

léonor.

Hélas ! que devenir ?

le juge.

Que le ciel me soit en aide !

louis.

Ne bougez !… Que chacun reste à sa place pendant que je dis quatre mots au seigneur Jean-Baptiste.

le juge.

Holà !

louis.

Ne criez pas si fort, s’il vous plaît.

manuel.

Il est inutile que vous appeliez, sans quoi vous verriez approcher à l’instant même votre très-humble serviteur de l’autre soir.

le juge.

Est-ce ainsi que l’on traite un magistrat ? Est-ce ainsi que l’on perd le respect dû à la justice ?

louis.

Personne, seigneur, ne la respecte plus que moi. Car, vous le voyez, loin de vous offenser en rien, je me mets à votre disposition ; et je désire tant vous être agréable, que, pour vous épargner la peine de me chercher de côté et d’autre, je viens vous joindre moi-même.

le juge.

Quoi ! dans votre insolence, vous osez même vous présenter devant cette dame dont votre crime cause le malheur, devant cette dame qui vous poursuit et demande contre vous une vengeance que ces fleurs, teintes du sang de son frère, semblent demander avec elle !

louis.

Bien loin d’insulter à cette dame, c’est dans son intérêt que j’agis ; car je lui enlève le prétexte d’un acharnement indigne d’une personne aussi illustre, aussi généreuse ; je dissipe les soupçons injustes que lui a donnés un faux témoin. Vous allez en juger. — Dites-moi, madame, dites-moi, si don Alonzo avait tué votre frère corps à corps, sans trahison, à armes égales, poursuivriez-vous avec tant de rigueur son châtiment et votre vengeance ?