Je prends cet argent ; mais à une condition, c’est que c’est de bonne volonté que vous me le donnez.
Sans doute, j’ai la meilleure volonté de vous être utile ; mais cet argent ne laissera pas que de me faire faute.
Expliquez-vous. Voulez-vous dire que si vous vous sentiez assez fort pour vous défendre, vous ne le donneriez pas ?
Cela est certain.
Eh bien, reprenez votre argent, et adieu ; il ne sera pas dit que Louis Perez ait volé personne. Que l’on dise de moi que, pressé par la nécessité, j’ai accepté ce qu’on m’a donné, peu m’importe ; mais je ne veux pas qu’on dise que j’ai rien pris par force. Prenez votre argent, vous dis-je, et Dieu vous conduise !
Que dites-vous ?
Ne m’entendez-vous pas ? Dieu vous conduise !
Que le ciel vous délivre de tous vos ennemis ! Ainsi soit-il ! Louis Perez, j’ai encore là six doublons que je porte sans que ma femme en ait connaissance ; ils sont à votre service.
Non pas ! maintenant je ne prendrais pas de vous une obole… Allez, partez ; il est tard, le soleil va se coucher.
Ô divine amitié ! c’est avec raison que l’antiquité t’a élevé des autels ; car tu es la déesse à qui les hommes d’honneur doivent leur adoration et leur foi… Pour remplir les devoirs d’un ami fidèle, je viens chercher en ce lieu l’homme qui m’a sauvé la vie ; car il a pu renoncer à mon secours ; mais je ne dois pas pour cela renoncer à le secourir. Il y a du monde ; je vais me couvrir le visage de mon manteau, afin de n’être pas reconnu.
Cavalier, la fortune force deux hommes d’honneur à demander des secours de cette manière ; car tous deux auraient scrupule à s’y prendre d’une autre façon. Si vous pouvez, sans vous gêner, vous montrer libéral envers nous, nous vous en serons fort reconnaissants ; sans quoi, voici la route, et que Dieu veille sur vous !