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LOUIS PEREZ DE GALICE.

mieux instruit de tout. C’est pourquoi, seigneur, je vous supplie de la manière la plus instante de vouloir bien me dire ce qu’il y a contre moi, afin que je ne fasse pas quelque imprudence, dans le doute où je serais de ce qui me condamne ou me justifie.

le juge.

La curiosité n’est pas mauvaise !

louis.

Oui, je suis on ne peut plus curieux de savoir cela. — Mais si votre seigneurie ne veut pas me le dire, — écoutez. — (Il prend le dossier sur la table.) Ceci me paraît être la procédure, c’est elle qui me dira tout, et je ne vous en aurai point l’obligation.

le juge.

Que faites-vous ?

louis.

J’examine le dossier.

le juge.

Mais songez…

louis.

Asseyez-vous, seigneur juge, je vous le répète, et ne me forcez pas à vous le dire si souvent. Voici le préambule, les procès-verbaux, selon l’usage. Je n’ai pas besoin de lire ça ; je sais à peu près ce que ça dit. Venons à l’information. Voici le premier témoin. (Il lit.) « Et ayant reçu en la forme prescrite le serment d’André Ximenès, il a déclaré qu’au moment où parurent les deux cavaliers, il était à couper du bois ; qu’ils se battirent seuls, et qu’un instant après il vit tomber don Diègue ; que la justice étant survenue, don Alonzo voulut s’échapper, mais que son cheval ayant été tué d’un coup d’arquebuse, il s’enfuit à pied en courant, et arriva ainsi à l’habitation de Louis Perez… » (Parlant.) Bon ! voici que j’entre en scène ! (Il lit.) « Que celui-ci pria poliment le corrégidor de ne pas poursuivre avec tant de rigueur ce cavalier ; que le corrégidor s’y étant refusé, alors Louis Perez se mit au milieu du chemin pour en défendre le passage et résister à la justice ; qu’il ne sait pas et ne peut pas dire comment le corrégidor fut blessé. Telle est sa déclaration, qu’il affirme être vraie et sincère, sous le serment qu’il a fait. » (Parlant.) Et il affirme la vérité. André Ximenez est un homme de bien. Passons au second témoin. (Il lit.) « Gil Parrado déclare qu’ayant entendu du bruit, il sortit de Salvatierra, et arriva au moment où Louis Perez se battait contre tous ; qu’il le vit ensuite se jeter dans le fleuve ; et qu’il n’en sait pas davantage. » (Parlant.) Voilà qui est bref ! — Troisième témoin, Jean-Baptiste. — Voyons un peu ce que dira ce vieux chrétien. (Il lit.) « Il déclare qu’il était caché derrière des arbres lorsque les deux cavaliers vinrent se battre ; et qu’ils combattaient avec égalité, lorsque Louis Perez sortit d’une embuscade, et s’étant placé à côté de don Alonzo, tous deux donnèrent la mort à don Diègue, lâchement et traitreu-