D’où viennent, sire, ces cris ? Il faut que la douleur soit bien grande pour soumettre ainsi la majesté.
Hélas ! mon cher Boleyn, je vous ai confié l’administration de l’empire, comme à un homme sage et prudent ; je vous ai nommé président de mon royaume : vous ne pouvez manquer à la justice. Je saurai aujourd’hui comment vous accomplissez vos devoirs.
Vous n’avez pas besoin, sire, de me solliciter à faire ce que je dois. — Devant le ciel qui m’entend, je jure que je ferai justice, fût-ce même sur mon propre sang.
Je crois à votre parole. (Lui donnant la lettre.) Prenez et lisez ; ce témoignage suffit.
Je pourrais, sire, m’affliger comme père ; mais le monde apprendra que j’ai surmonté les sentiments de père pour n’écouter que mes devoirs de juge. — Quelle qu’elle soit, la coupable périra.
Infâmes et traîtres, vive Dieu ! vous vous repentirez de tant d’audace. — Comment osez-vous vous jouer ainsi à moi ?
J’agis d’après l’ordre du roi. C’est lui-même qui m’a dit de vous arrêter.
Il est là, il peut le dire. (Au Roi.) Eh quoi ! sire, est-il vrai que vous ayez donné l’ordre qu’on m’arrête ?
Tel a été mon ordre.
Je n’oppose plus de résistance ; loin de là, je me prosterne humblement à vos pieds. — Mais quel motif vous porte à cette extrémité ?
Vous le savez, et je ne veux pas le redire, — jusqu’à ce que votre mort fasse connaître tout à la fois l’offense et le châtiment.
Ici finit ma fortune ; ici finit mon triomphe et ma gloire ! — Hélas ! mon destin a été comme cette fleur des champs que le soleil pare un matin de ses couleurs brillantes, et que l’on retrouve le soir, tombée à terre, desséchée et flétrie.