Scène II.
Prenez, madame, quelque distraction au milieu de cette campagne, dont l’aspect divertira votre douleur. — Voyez comme elle est agréablement éclairée par l’aurore. — Quoique vous ne sortiez pas de la tour, ce n’est pas une prison.
Crois-moi, Marguerite, pour les malheureux il n’y a point d’autre distraction que leur chagrin.
Mon oncle Renaud Pole vous envoie secrètement cette chaîne.
Je lui dois toute la joie qu’il m’est permis d’éprouver. Votre dévouement à tous deux pénètre mon cœur.
Il est pauvre, et ce n’est qu’un témoignage de son bon vouloir.
Dieu vous récompense de votre pitié ! — Mais pendant que je forme un bouquet de ces brillants œillets et de ces roses gracieuses, répète-moi cette chanson que tu as coutume de me chanter.
Eh quoi ! cette chanson aujourd’hui peut-elle vous plaire encore ?
Oui, elle fut composée pour moi, et je puis dire de mon sort ce qu’elle dit de ces fleurs :
Car hier on admirait mon éclat,
Et aujourd’hui je ne suis que l’ombre de moi-même.
Fleurs charmantes, apprenez de moi
La distance qui sépare aujourd’hui d’hier ;
Car hier on admirait mon éclat.
Et aujourd’hui je ne suis que l’ombre de moi-même.
Car hier on admirait mon éclat,
Et aujourd’hui je ne suis que l’ombre de moi-même.
J’arrive ici attiré par les accents de cette douce voix. Les échos l’ont portée à mon oreille, et elle m’a réveillé comme d’un songe. Recommence à chanter, belle villageoise, recommence à chanter et à me rappeler ainsi les deux moments, si différents, de ma vie.