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JOURNÉE III, SCÈNE II.


Scène II.

Une campagne aux environs de Londres.
Entrent LA REINE CATHERINE et MARGUERITE POLE.
marguerite.

Prenez, madame, quelque distraction au milieu de cette campagne, dont l’aspect divertira votre douleur. — Voyez comme elle est agréablement éclairée par l’aurore. — Quoique vous ne sortiez pas de la tour, ce n’est pas une prison.

la reine.

Crois-moi, Marguerite, pour les malheureux il n’y a point d’autre distraction que leur chagrin.

marguerite.

Mon oncle Renaud Pole vous envoie secrètement cette chaîne.

la reine.

Je lui dois toute la joie qu’il m’est permis d’éprouver. Votre dévouement à tous deux pénètre mon cœur.

marguerite.

Il est pauvre, et ce n’est qu’un témoignage de son bon vouloir.

la reine.

Dieu vous récompense de votre pitié ! — Mais pendant que je forme un bouquet de ces brillants œillets et de ces roses gracieuses, répète-moi cette chanson que tu as coutume de me chanter.

marguerite.

Eh quoi ! cette chanson aujourd’hui peut-elle vous plaire encore ?

la reine.

Oui, elle fut composée pour moi, et je puis dire de mon sort ce qu’elle dit de ces fleurs :

Car hier on admirait mon éclat,
Et aujourd’hui je ne suis que l’ombre de moi-même.

marguerite, chantant.

Fleurs charmantes, apprenez de moi
La distance qui sépare aujourd’hui d’hier ;
Car hier on admirait mon éclat.
Et aujourd’hui je ne suis que l’ombre de moi-même.


Entre WOLSEY.
wolsey, à part.

Car hier on admirait mon éclat,
Et aujourd’hui je ne suis que l’ombre de moi-même.

J’arrive ici attiré par les accents de cette douce voix. Les échos l’ont portée à mon oreille, et elle m’a réveillé comme d’un songe. Recommence à chanter, belle villageoise, recommence à chanter et à me rappeler ainsi les deux moments, si différents, de ma vie.