la salue et sort.) Eh bien ! voilà que tous m’ont abandonnée. La majesté n’a plus de courtisans. Je n’ai plus même personne à qui me plaindre, seule consolation des malheureux.
Madame, j’ai vu vos disgrâces, et je reste pour les pleurer avec vous. Je mets ma vie à vos pieds, daignez en disposer ; Marguerite Pôle ne veut d’autre gloire que de mourir pour son Dieu et pour vous. — Où irons-nous, madame ?
Dans un château royal. — Ah ! palais perfide, mer trompeuse et funeste, catafalque recouvert de drap d’or, caveau funèbre où se garde une vaine majesté réduite en poussière, sépulcre blanchi où l’on ensevelit les vivants… ah ! malheureuse cour, royaume infortuné, que Dieu veille sur vous ! et vous, Henri, hélas ! que le ciel vous ouvre les yeux !
JOURNÉE TROISIÈME.
Scène I.
Que m’apprends-tu là ?
Voilà, seigneur, ce qui se passe.
Anne m’aurait quitté si promptement ! — Mais pourquoi s’étonner de l’infidélité d’une femme ? — Je suis allé en France, j’ai raconté à mon roi le divorce de Henri et les troubles qui en avaient été la suite, et il a ordonné qu’on ne lui parlât plus de l’union projetée entre le dauphin et l’infante. Sur ces entrefaites, mon père est venu à mourir ; et moi, tout ensemble affligé de sa perte et joyeux d’un événement qui me rendait libre, j’ai soumis mon mariage à l’approbation du roi, et l’ayant obtenue, j’ai pris congé de mes parents et de mes amis, qui tous applaudissaient à mon bonheur. — Avec quelle ardeur je venais ! Combien de fois j’ai accusé la paresse des vents, qui retardait mon vaisseau ! Avec quelle joie je me figurais être dans ses bras !… Comme j’aimais à me représenter la joie que l’ingrate elle-même pourrait en ressentir !… Et elle est mariée !
Depuis que vous avez quitté ce royaume soulevé à la suite de ce déplorable divorce, le roi a épousé secrètement Anne de Boleyn,