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JOURNÉE II, SCÈNE I.

wolsey, au Roi ?

Afin qu’on ne remarque pas votre choix, demandez d’abord aux autres dames de chanter et de dire des vers.

la reine.

De quoi votre majesté parle-t-elle avec Wolsey ?

le roi.

Nous causons d’affaires d’importance.

la reine.

Cardinal, sortez d’ici. Ce n’est pas le moment de parler d’affaires sérieuses, et là où je suis, sa majesté n’a pas besoin de vous. — Vous ne vous en allez pas ?

wolsey, à part.

Oui, femme odieuse, je vais en un lieu où je puisse m’occuper de ton châtiment et de ma vengeance !

le roi.

Je n’aurai donc pas un plaisir qui soit de votre goût ?

la reine.

J’ai de grands motifs pour agir ainsi. Je tiens le cardinal Wolsey pour un flatteur, pour un ambitieux qui cherche plutôt son accroissement particulier que le bien du royaume, et dont l’orgueil n’a pas de bornes. Mais je crains de vous affliger en vous parlant ainsi. Que les dames s’empressent à vous divertir. — Jeanne Seymour, prenez un instrument et chantez.

jeanne seymour.

Je vais chanter un air qui est bien ancien, mais dont les paroles sont parfaites.

Dans un enfer, tous deux
Nous devons trouver le bonheur ;
Vous en me voyant souffrir,
Moi en vous voyant témoin de ma souffrance.

le roi.

J’aime beaucoup l’air et les paroles.

la reine.

Et je n’aime pas moins la façon dont elle chante.

pasquin.

En effet, je croyais entendre un petit chardonneret.

la reine.

Puisque ces paroles plaisent à votre majesté, je vais dire une glose que l’on a composée sur ce sujet[1].

Dans un enfer, tous deux
Nous devons trouver le bonheur,
Vous en me voyant souffrir,
Moi en vous voyant témoin de ma souffrance.

Mon amour désire deux choses également difficiles à obtenir ; et

  1. On appelle glose, des variations sur un thème poétique. Nous trouvons aussi des gloses dans nos anciennes poésies françaises, et c’est de ce mot qu’est venu le verbe gloser.