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JOURNÉE II, SCÈNE I.


Entre MANUEL.
manuel, à part.

Que vois-je ? un soldat qui veut battre mon domestique ! (Haut.) Cavalier, avant de maltraiter ainsi un homme à mon service, vous auriez dû considérer… Mais quoi ! c’est vous !

louis.

Je ne me trompe pas, c’est lui !

manuel.

Vous me voyez dans un étonnement…

louis.

Je ne puis en croire mes yeux… Manuel !

Ils s’embrassent.
manuel.

Qu’est-ce donc, Louis ? Il me semblait que vous étiez allé en Portugal ? Par quelle aventure nous trouvons-nous donc en présence en ce pays ?

louis.

Mais vous-même, Manuel, n’étiez-vous pas resté dans ma maison à Salvatierra ? Par quel hasard vous rencontré-je ici ? Comment un ami aussi noble, aussi dévoué que vous l’êtes, remplit-il aussi mal les obligations qu’il a contractées envers celui qui lui a confié le soin de son honneur ?… Le ciel m’en est témoin, dans mon absence c’était là ma seule consolation.

manuel.

N’ayant à nous deux qu’un seul cœur, nous souffrons doublement en cette circonstance… Tirez-moi d’abord de peine, et ensuite je satisferai votre curiosité. Pour ce que j’ai à vous dire, il faut que nous soyons seuls. Cela exige le secret.

louis.

Je suis, je vous le jure, accablé d’ennuis, et voilà que votre circonspection me donne de nouveaux soucis. Abrégeons donc. Ce domestique est-il à vous ?

manuel.

Il venait à San-Lucar ; je l’ai rencontré en route, et je l’ai pris. Le hasard a tout fait.

louis.

Que pour aujourd’hui votre protection soit sa sauvegarde, (À Pedro.) À présent, misérable, fais bien attention à ce que je te dis : tu ne trouveras pas tous les jours un ami qui te délivre de mes mains. Va-t’en.

pedro.

Je ne demande pas mieux ; mais je voudrais bien que vous eussiez la bonté de me dire où vous allez de ce pas, afin que j’aille d’un autre côté. Partout, partout je vous rencontre… mais bon ! voilà qu’il me vient dans l’esprit un moyen de vous échapper. Celui-