loyauté[1]. Si donc parmi les bêtes féroces, les poissons, les oiseaux, les plantes et les pierres, la majesté royale est toujours compatissante, elle doit l’être également, seigneur, chez les hommes ; et tu ne peux pas prétexter une religion différente, car toutes les religions défendent la cruauté. — Je ne prétends point t’apitoyer sur moi, te peindre ma misère et mes angoisses pour que tu me donnes la vie ; ce n’est point là ce que je veux. Je sais que je dois mourir de cette maladie qui trouble mes sens, qui enchaîne à la fois et déchire mes membres. Je sais que je suis marqué pour la mort : à chaque parole, à chaque soupir que j’exhale, il me semble qu’un acier aigu me déchire le sein. Je sais enfin que je suis mortel, et que nous ne sommes jamais assurés même d’un instant : c’est pour cela, sans doute, qu’on a donné au berceau et au cercueil la même forme et la même matière. — Que peut attendre encore celui qui entend ces vérités ? Que peut désirer encore celui qui les proclame ? Ce n’est point la vie, — tu ne le croirais pas, — c’est la mort que je te demande ; et puissent les cieux exaucer mes vœux, de mourir pour le Christ ! Peut-être verras-tu dans ce souhait un sentiment de désespoir, un dégoût de la vie ; tu te tromperais : seulement je m’estimerais heureux de mourir pour la défense de la foi, et de sacrifier mon âme à Dieu. Ainsi mon désir du trépas s’explique, et se justifie par la sainteté de mes motifs. Oui, si tu es inaccessible à la pitié, livre-toi du moins tout à fait à la rigueur. Es-tu lion ? rugis et mets en pièces celui qui ose t’insulter en bravant ton pouvoir. Es-tu aigle ? perce de ton bec, déchire de tes serres celui qui s’attaque à toi. Es-tu dauphin ? annonce la tempête et la mort au navigateur insolent qui sillonne tes ondes. Es-tu arbre royal ? montre tes rameaux dépouillés par la violence des ouragans, instruments terribles de la colère de Dieu. Es-tu diamant ? deviens, réduit en poudre, le plus terrible des poisons[2]… Mais, quelle que soit ta furie, tu te fatigueras en vain ; car dussé-je souffrir plus de tourments, voir de plus grandes rigueurs, gémir dans de pires angoisses, passer par de plus rudes épreuves, rencontrer plus d’infortunes, endurer une faim plus poignante, me sentir moins couvert de ces vêtements en lambeaux, et avoir un asile plus infect que ce séjour horrible, je resterai inébranlable dans ma foi. Elle est le flambeau qui me guide, le soleil qui m’éclaire, le laurier qui me couronne. Tu ne triompheras point de l’Église ; essaye, si tu veux, de triompher de moi : Dieu défendra ma cause, puisque c’est pour la sienne que je souffre.
Comment peux-tu trouver des consolations, et conserver tant