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LE PRINCE CONSTANT.

mais si le maître commande à son esclave de pécher, celui-ci ne lui doit point l’obéissance ; car pour être commandé, le péché n’en est pas moins péché.

le roi.

Je te donnerai la mort.

don fernand.

Ce sera pour moi le commencement de la vie.

le roi.

Eh bien ! pour que tu n’aies pas même cette espérance, je ferai de ta vie une longue mort. Tu verras ma rigueur.

don fernand.

Tu verras ma patience.

le roi.

Fernand, tu ne recouvreras point la liberté.

don fernand.

Roi, tu ne recouvreras point Ceuta.

le roi, appelant.

Holà !


Entre SÉLIM.
sélim.

Qu’ordonnez-vous ?

le roi.

Que sur-le-champ ce captif soit traité comme tous les autres ! Qu’on lui mette les fers au cou et aux pieds ! qu’il soit employé dans mes écuries, dans mes bains, dans mes jardins, sans faveur, sans égard ! Qu’on lui ôte ses habits de soie, et qu’on le revête d’une serge grossière ! Qu’on lui donne du pain noir et de l’eau saumâtre, et qu’il passe la nuit dans un cachot humide et obscur !… Cet ordre est pour lui, et pour ses domestiques, et pour ses vassaux… Qu’on les emmène tous.

don henri.

Quelle disgrâce !

don juan.

Quelle douleur !

le roi, à don Fernand.

Je verrai, barbare, je verrai si ta constance l’emporte sur ma rigueur.

don fernand.

Tu la trouveras inébranlable.

On l’emmène ainsi que don Juan.
le roi.

Henri, vous êtes ici sous la sauvegarde de ma parole, vous pouvez retourner à Lisbonne. — Vous direz à vos Portugais, que leur infant, le grand maître de l’ordre d’Avis, est occupé à panser mes chevaux, et qu’ils viennent, s’ils l’osent, lui rendre la liberté