Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/297

Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
JOURNÉE II, SCÈNE I.

reuse nouvelle, tu aurais pu revêtir des habits de fête. Comment se trouve le roi, mon seigneur ? Pourvu qu’il soit sain et sauf, je serai content. — Tu ne réponds pas ?

don henri.

Si l’on éprouve un double chagrin en entendant raconter deux fois de tristes nouvelles, je veux du moins t’épargner cette douleur. — Écoutez-moi, vous aussi, grand roi, et bien que cette montagne soit un palais un peu rustique, je vous y demande audience, en sollicitant votre attention et la liberté du captif… La flotte qui avait longtemps fatigué la mer de son poids orgueilleux, et qui avait été dispersée par la tempête, laissant l’infant prisonnier dans votre cour, rentra au port de Lisbonne. Aussitôt qu’Édouard eut appris ces funestes nouvelles, la tristesse s’empara de son cœur ; et sa mélancolie augmentant tous les jours, il montra que l’on peut, en effet, mourir de chagrin… Il est mort ; que Dieu l’ait en sa garde !

don fernand.

Ô ciel ! c’est ma captivité qui a causé ce malheur !

le roi.

Allah sait combien cette nouvelle m’afflige. Mais achevez.

don henri.

Le roi mon seigneur a ordonné, par son testament, qu’on rendit sans délai la ville de Ceuta en échange de la personne de l’infant ; et c’est pourquoi, muni des pouvoirs d’Alphonse, son héritier, — brillante aurore qui pouvait seule nous dédommager de la disparition du soleil ! — je viens vous remettre la place, et ensuite…

don fernand.

Assez, n’achevez pas !… assez, Henri, vous dis-je… De telles paroles sont indignes, non-seulement d’un infant de Portugal, non-seulement d’un grand maître qui sert sous la bannière du Christ, mais de l’homme le plus vil, mais d’un barbare qui n’aurait jamais connu la lumière de notre sainte foi — Mon frère, — que Dieu a voulu appeler auprès de lui, — a inséré cette clause dans son testament : mais ce n’était pas pour qu’elle s’accomplît ; ce n’était que pour montrer combien il désirait ma liberté, et combien il avait à cœur que l’on travaillât à l’obtenir par d’autres moyens, soit de gré ou de force. Ordonner de rendre Ceuta, cela revenait à dire qu’il fallait faire des efforts inouïs, prodigieux… Car, je vous prie, comment un roi catholique, comment un roi sage et juste consentirait-il à livrer au More une cité qui lui coûta son propre sang ? puisque, — comme vous le savez, — ce fut lui qui, sans autre arme que son bouclier et son épée, escaladant ses orgueilleux remparts, arbora le premier sur ses créneaux le drapeau portugais. Et ceci est encore ce qui importe le moins. Mais cette ville confesse le vrai Dieu suivant la foi catholique ; elle a obtenu des églises où son culte sacré se célèbre avec respect, avec amour : serait-il digne d’un prince pieux, d’un chrétien, d’un Portugais, de donner son consentement à ce que