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LE PRINCE CONSTANT.

et que je sois sur le point de mourir, je veux te dire la cause de ma mort. Mes soupçons, je le sais, te paraîtront une injure à la gloire ; mais je suis jaloux, et la jalousie ne connaît pas les ménagements. Quel est, dis-moi, cruelle, quel est le portrait que je vois en ta main ?… quel est l’amant fortuné ?… Mais non, ne redouble point ma douleur en me le disant. Quel qu’il soit, c’est assez que j’aie vu cette image dans tes mains, sans que tes lèvres prononcent le nom de celui qu’elle représente.

fénix.

Muley, ma tendresse pour toi t’a permis de m’aimer, mais non de m’outrager.

muley.

Je le sais, je sais que ce n’est point là le langage que tu es accoutumée à entendre ; mais j’en prends le ciel à témoin, la jalousie a-t-elle jamais respecté les convenances ?… Plein de réserve et de crainte, je t’ai rendu des soins, j’ai mis à tes pieds mon amour ; mais si, ton adorateur, j’ai pu garder le silence, jaloux je ne puis.

fénix.

Ta conduite ne mérite pas que je me justifie. Mais pour moi, pour mon honneur, je veux bien descendre à une justification.

muley.

En est-il une ?

fénix.

Sans doute.

muley.

Qu’Allah te comble de bien !

fénix.

Ce portrait a été envoyé…

muley.

Par qui ?

fénix.

Par Tarudant, l’infant de Maroc.

muley.

Dans quel dessein ?

fénix.

Parce que mon père, qui ne connaît pas mes sentiments…

muley.

Eh bien ?

fénix.

Veut que ces deux royaumes…

muley.

Ne m’en dis pas davantage… Ah ! si c’est là ta justification, j’invoque sur ta tête la colère d’Allah !

fénix.

En quoi suis-je coupable de la conduite de mon père ?