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JOURNÉE II, SCÈNE I.

cette Elvire que j’ai vue à côté d’elle, — cette Elvire dont la beauté ressortait si furieusement près de la sienne.

don lope.

En vérité, tu es fou !

vicente.

Eh ! seigneur, est-ce donc la première fois que la suivante vaut mieux que la maîtresse ?

don lope.

Oh ! si je pouvais, de façon ou d’autre, voir doña Violante !

vicente.

Songez, seigneur, que nous ne faisons que d’arriver après l’avoir échappé belle ; ne nous remettons pas dans la même position pour une autre dame.

don lope.

Je n’aime pas les reproches ni les observations dans la bouche de mon père ; ce n’est pas pour en souffrir de toi. Je voudrais bien voir que quelqu’un s’opposât à ma volonté ! — Mais, qui s’avance vers nous ? C’est don Guillen de Azagra.


Entre DON GUILLEN.
don lope.

Tu m’annonces là une bonne nouvelle ! — Eh quoi ! don Guillen, à Saragosse ?

don guillen.

Oui, don Lope, et mon cœur ne m’aurait pas permis de prolonger encore cette absence. Aussi, à peine ai-je eu appris votre arrivée, que je vous ai cherché sans retard, pour vous présenter mes compliments, et recevoir les vôtres.

don lope.

Cette gracieuse attention est due, j’ose le dire, à notre amitié, mon cher don Guillen ; j’aurais voulu vous prévenir ; soyez aussi le bienvenu.

don guillen.

Hélas ! je ne puis guère être le bienvenu, lorsque je viens plein d’ennuis, portant dans mon cœur un sentiment sans espérance.

don lope.

Comment donc ?

don guillen.

Il vous souvient que je suis parti il y a trois ans pour la guerre de Naples ?

don lope.

Il me souvient même que nous nous sommes fait nos adieux sur cette même place que je vois d’ici, et que nous étions tous deux bien tristes, comme si nous avions eu le pressentiment des malheurs que j’aurais à traverser en votre absence.

don guillen.

J’ai tout appris, et le ciel m’est témoin si j’ai été sensible à vos