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JOURNÉE I, SCÈNE IV.

vicente.

Moi aussi.

don lope.

Et pour entendre ce qu’elle dit. — Marche plus doucement.

vicente.

Il est impossible de marcher d’un pas plus léger. Si je montais ainsi les degrés d’un monument, je suis sûr que je ne froisserais pas les fleurs d’argent qui le recouvrent[1].

elvire.

Vous sentez trop vivement, madame.

doña violante.

Oui ! il est tellement présent à ma pensée, — cette illusion de mon esprit est si forte, si puissante, qu’en ce moment même, — le ciel me protège ! — je jurerais que je le vois.

elvire.

On ne vous arrachera pas les dents pour un faux serment[2], car moi aussi je le jurerais.

vicente.

Nous sommes bien tombés !

don lope.

Oui, c’est la dame que j’ai vue. (À doña Violante.) Dites-moi, divin prodige, — dites-moi, miracle de beauté…

doña violante.

Fantôme de ma pensée, — illusion de mes sens, âme de mon imagination, réalisation de mes rêves, et voix de mon idée ; ô toi, qui es une idée, une illusion, une imagination, un rêve, un fantôme sans voix, sans corps, sans âme, et qui parais avoir une âme, un corps, une voix : — comment as-tu fait pour pénétrer jusqu’ici ?

don lope.

Beauté céleste, que mon imagination a réalisée vivante à mes yeux, daignez auparavant vous-même m’expliquer le doute où je suis ; car j’ai bien plus de motifs pour vous demander par quel hasard vous vous trouvez dans cette maison.

doña violante.

Cette maison est la mienne.

don lope.

Et moi si je suis entré ici…

doña violante.

Je ne puis vous entendre.

  1. .....Si pisara
    Las gradas de un monumento,
    Aun no ajára los relillos.

    On appelle en Espagne le monument (el monumento) la chapelle décorée en forme de tombeau, où l’en dépose le corps de Jésus-Christ, le jeudi saint.

  2. No te sacáran los dientes
    Por el falso juramento.