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LES
TROIS CHÂTIMENTS EN UN SEUL.

(LAS TRES JUSTICIAS EN UNA.)



NOTICE.


Dans cette comédie, dont le fond est historique, Calderon, contre son ordinaire, s’est proposé un but moral : il a voulu montrer que certains attentats contre l’ordre social et la sainteté du mariage pèsent à jamais sur ceux qui s’en sont rendus coupables, et qu’ils les expient tôt ou tard d’une manière terrible.

Les principaux personnages de ce drame sont peints avec un art supérieur. Le jeune Lope, le héros de la pièce, qui se trouve dans la même situation que Louis Perez de Galice, et qui a également beaucoup de grandeur et de noblesse, est cependant bien individualisé ; il est plus fier, plus sombre, plus tragique ; et si l’on s’intéresse à Louis Perez à cause de ses brillantes qualités, on éprouve pour le jeune Lope une sorte de pitié mêlée de terreur, parce qu’on ne peut s’empêcher de voir en lui l’infortunée victime d’une fatalité déplorable. — Lope de Urrèa, plein de bonté et de générosité, malgré l’invincible antipathie qu’il éprouve contre celui qu’il croit ou ne croit pas son fils, me semble le type curieux de ces vieillards espagnols chez qui l’énergie de la volonté et la vigueur du caractère survivent à l’abandon des forces physiques. — Quant au roi don Pèdre, c’est, à mon avis, l’une des plus belles créations de Calderon, et quoique j’admire beaucoup le don Pèdre du Médecin de son honneur, je préfère encore celui-ci, qui a, selon moi, une unité plus majestueuse et plus imposante.

Parmi les beaux détails qui abondent dans cette pièce, on remarque sûrement le récit du jeune Lope, servant d’exposition, sa rencontre singulière avec Violante à la fin du premier acte, sa querelle avec le vieil Urrèa, l’interrogatoire de doña Blanca par le roi[1]. Et quand le jeune Lope, qui vient de donner son poignard à don Mendo, est saisi d’un effroi soudain, comme s’il entrevoyait tout à coup le destin qui le menace. Et quand, plus tard, poursuivi par les archers, il rend son épée à don Mendo, amené à ses pieds par un

  1. La même situation avait été précédemment traitée par Lope de Vega dans une pièce fort curieuse, intitulée le Prince parfait (el Principe perfecto), seconde partie. — L’histoire l’avait indiqué aux deux poëtes.