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JOURNÉE III, SCÈNE IV.

cosme.

Ce n’est personne.

don louis.

Dites moi, don Manuel, ne serait-ce point là le valet que vous attendiez ?

don manuel.

Ce n’est point le temps de vous expliquer sa présence. Je sais que je n’ai rien à me reprocher ; croyez de moi ce que vous voudrez. Nous avons l’épée à la main… il faut nous battre.

don louis.

Eh bien, je vous attends tous deux.

don manuel.

Vous m’offensez, don Louis, en parlant ainsi. Mais je ne sais que faire de mon valet : le mettre dehors, c’est nous exposer à ses bavardages ; et le garder ici, c’est me donner un avantage sur vous… car il se placera sans doute à mes côtés.

cosme.

Oh ! si ce n’est que ça qui vous arrête, vous pouvez être tranquille.

don louis.

Il y a près de l’alcôve un petit cabinet ; vous n’avez qu’à l’y renfermer, et la partie sera égale.

don manuel.

L’idée est fort bonne.

cosme.

Pour me faire battre on pourrait prendre beaucoup de peines… mais pour m’empêcher de me battre, la moindre précaution est inutile.

Cosme sort.
don manuel.

Nous voilà seuls.

don louis.

Alors commençons.

Ils se battent. L’épée de don Louis perd sa garde.
don manuel.

Comme il y va mollement !

don louis.

Avec quelle vigueur il me pousse !… Mais me voilà désarmé… mon épée n’a plus de garde.

don manuel.

Ce n’est point votre valeur qui est en défaut ; c’est un pur accident… Allez chercher une autre épée.

don louis.

Vous êtes courtois autant que brave. — (À part.) Ô ciel ! que dois-je faire dans une situation si délicate, puisque, au moment même où il vient de m’ôter l’honneur, il m’accorde la vie ?… Quelle conduite dois-je tenir à son égard ?