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JOURNÉE III, SCÈNE III.

cosme.

Moi ! un homme de ma sorte avoir peur !

angela.

Eh bien, alors approchez.

cosme, à part.

Il n’y a plus à hésiter. (Haut.) C’était de ma part, mesdames, respect et courtoisie, et non pas crainte. Lucifer lui-même ne me ferait pas peur sous des habits de femme. Ce ne serait pas la première fois qu’il aurait revêtu ce costume : car c’est le démon lui-même qui, pour nous damner, a inventé les cotillons. Un beau jour, sous la forme d’une belle fille élégamment parée, il se montra à un berger. Celui-ci, dès qu’il la vit, fut enflammé d’amour. Il s’en donna à la diable. — Puis le démon, se montrant sous son horrible forme, lui dit ainsi d’une voix sévère : « Ne vois-tu pas, malheureux, quelle est de la tête aux pieds la beauté que tu as possédée ? Désespère donc, puisque tu as commis un tel péché. » Mais le berger, sans s’inquiéter de rien, lui répondit : « Si tu prétends, ombre trompeuse et vaine, effrayer un mortel, reviens par ici demain matin sous ta forme première, et tu me reverras non moins empressé et galant que tout à l’heure. Apprends par là que sous des habits de femme le démon même peut être aimé. »

angela.

Revenez à vous. Prenez de ces confitures et buvez ; les émotions excitent la soif.

cosme.

Je n’ai pas soif.

béatrix.

Il faut vous lester ; car vous avez à faire deux cents lieues.

cosme.

Ciel ! qu’entends-je ?

On frappe.
angela.

On a frappé ?

béatrix.

Oui.

isabelle.

Quel tourment !

angela.

Quel ennui !

don louis, du dehors.

Isabelle !

béatrix.

Le ciel me soit en aide !

don louis.

Ouvrez donc.

angela.

C’est don Louis. Mes deux frères se sont donné le mot.