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L’ESPRIT FOLLET.

cosme.

Seigneur, le maître et la maison appartiennent au diable, — qui m’emporte ! — car il demeure ici une dame, surnommée l’Esprit follet, qui n’est autre chose que le démon sous la figure d’une femme.

don manuel.

Et vous, qui êtes-vous ?

cosme.

Je suis un valet, un domestique, un serviteur, qui, sans en savoir le motif ni le but, est soumis à ces enchantements.

don manuel.

Et qui est votre maître ?

cosme.

Un fou, un sot, un insensé, un imbécile, un nigaud, qui se perd pour cette dame.

don manuel.

Et il s’appelle ?…

cosme.

Don Manuel Enriquez.

don manuel, à part.

Jésus ! qu’entends-je ?

cosme.

Et moi, je m’appelle Cosme.

don manuel.

Toi, Cosme ? et comment es-tu entré ici ? Je suis ton maître. As-tu suivi ma chaise ? es-tu entré ici à ma suite ?

cosme.

Voilà un plaisant conte ! Dites-moi vous-même comment il se fait que je vous trouve ici. N’êtes-vous pas allé seul, bravement, là où l’on vous attendait ? Comment donc revenez-vous si tôt ? et comment êtes vous entré ici, puisque j’avais la clef ?

don manuel.

Mais où donc sommes nous ?

cosme.

Dans votre appartement… ou, si vous aimez mieux, dans l’appartement du démon.

don manuel.

Vive Dieu ! tu mens… car j’étais, il n’y a qu’un instant, dans un autre tout différent et bien loin d’ici.

cosme.

Ma foi ! il y a là-dessous quelque tour de l’esprit follet. Pour moi, je vous ai dit la vérité pure.

don manuel.

Tu me ferais perdre la raison.