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L’ESPRIT FOLLET.

don manuel.

Eh bien, si on ne les retrouve point, il sera toujours temps alors de demander de la lumière. Mais jusque-là gardons-nous de troubler une maison où nous avons reçu l’hospitalité.

Ils sortent.

Scène V.

L’appartement de don Manuel.
Entrent par l’armoire, DOÑA ANGELA et ISABELLE.
angela.

Oui, Isabelle, maintenant que toute la maison repose livrée au sommeil qui nous dérobe la moitié de la vie, et comme notre hôte est absent, je veux lui prendre ce maudit portrait.

isabelle.

Entrez doucement et sans bruit.

angela.

Ferme en dehors. Je ne sortirai pas d’ici que tu ne reviennes m’avertir. C’est le plus sûr.

isabelle.

Attendez-moi ici.

Elle sort par où elle est entrée. Au même moment, entrent par la porte de la chambre DON MANUEL et COSME.
cosme.

Voilà la porte ouverte.

don manuel.

Doucement, je te prie. Car c’est ici surtout qu’il faut éviter de faire du bruit.

cosme.

Je vous avoue que j’ai peur. — Cet esprit follet aurait bien pu tenir ici pour nous une lumière toute prête.

angela, à part.

Justement… j’ai une lumière que j’ai apportée cachée afin qu’on ne la vît pas. Il est temps de la découvrir.

Don Juan et Cosme se sont arrêtés à la porte. Doña Angela éclaire la chambre au moyen d’une lanterne sourde.
cosme.

Il n’y a jamais eu d’esprit follet plus complaisant. Comme il a vite montré son flambeau ! Jugez, seigneur, de l’affection particulière qu’il vous porte, puisqu’il l’allume pour vous, tandis qu’il l’éteint pour moi !

don manuel.

Le ciel me soit en aide ! Il y a là quelque chose de surnaturel. Il n’est pas dans l’ordre commun qu’un flambeau se fût allumé sur le premier désir que j’en ai témoigné.