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JOURNÉE II, SCÈNE I.

béatrix.

Que faites-vous, don Juan ? où allez-vous ?

don juan.

Je sors pour votre service ! car je ne puis vous laisser que pour m’occuper de vous.

angela.

Laissez-le aller.

don juan.

Dieu vous garde !

Il sort.
angela.

En effet, il m’a donné bien du souci avec son hôte, beaucoup plus qu’il ne pense, et même que je ne puis dire. — Mais puisque vous êtes dans les mêmes dispositions, il faut que j’achève de vous raconter mon histoire.

béatrix.

Le désir de l’entendre était seul capable de me consoler de ce départ.

angela.

Pour ne point vous fatiguer, ses lettres et les miennes n’ont fait qu’aller et venir ; et ses lettres toujours si charmantes, et d’une raillerie si délicate, qu’elles en sont vraiment admirables.

béatrix.

Et en définitive, que pense-t-il de tout ceci ?

angela.

Que je dois être la dame de don Louis ; d’un côté se fondant sur ce que je me suis cachée de lui, — et de l’autre sur ce que je possède une seconde clef de l’appartement.

béatrix.

Une seule chose m’étonne.

angela.

Et laquelle ? dites.

béatrix.

C’est que ce cavalier, voyant qu’il y avait quelqu’un pour lui apporter vos lettres et venir chercher les siennes, ne vous ait pas épiée et surprise.

angela.

Cela n’est pas facile. J’ai auprès de lui quelqu’un qui m’avertit de tout ce qui entre et de tout ce qui sort ; et Isabelle n’entre dans son appartement que quand il n’y a personne. Une fois son valet a passé la journée entière en observation : mais, nous étions prévenues… Et de peur que je ne l’oublie, Isabelle, ne manque pas d’emporter cette corbeille quand il sera temps.

béatrix.

Autre objection. Comment pouvez-vous accorder tant d’esprit à un homme qui, en semblable occurrence, n’a pas deviné le secret de l’armoire ?