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JOURNÉE I, SCÈNE III.

don juan.

Adieu, don Manuel, je vous laisse vous coucher, et j’espère que l’esprit follet ne viendra pas troubler votre repos. Conseillez à ce garçon d’imaginer à l’avenir quelque tour plus ingénieux.

Il sort.
don louis.

Il est heureux que vous soyez brave et vaillant comme vous l’êtes, s’il faut que vous ayez l’épée à la main toutes les fois que ce drôle-là voudra faire une plaisanterie de mauvais goût.

Il sort.
don manuel.

Tu vois les compliments que tu m’attires. Tout le monde paraît me reprocher de souffrir tes impertinences, et partout où je vais tu me suscites quelque nouvel ennui.

cosme.

Maintenant nous sommes seuls, seigneur, et je ne voudrais pas vous tromper. Je n’y ai nul intérêt. Eh bien ! que cinq cent mille démons m’emportent où il leur plaira s’il n’est pas vrai que je suis sorti, et que c’est un autre, — que j’ignore, — qui a fait ce remue-ménage.

don manuel.

Tu voudrais t’excuser ainsi de ta sottise… Ramasse ce qui est là épars, et viens me déshabiller.

cosme.

Seigneur, je consens qu’on m’envoie ramer aux galères, si…

don manuel.

Allons, tais-toi… ou, vive Dieu ! je te casse la tête.

cosme.

J’en serais trop affligé. — Enfin, bref, réunissons au plus tôt ce qui appartient à chaque valise. — Ô ciel ! que je voudrais avoir la trompette du jugement, pour faire venir d’eux-mêmes où ils doivent être tous les objets épars çà et là !


DON MANUEL sort un instant et revient aussitôt un papier à la main.
don manuel.

Éclaire-moi, Cosme.

cosme.

Que vous est-il arrivé, monseigneur ? Avez-vous par hasard trouvé quelqu’un dans l’autre pièce ?

don manuel.

Je découvre mon lit pour me coucher, et sous la couverture du lit je trouve… quoi ?… ce billet. — Et ce qui m’étonne le plus c’est la suscription.

cosme.

À qui est ce adressé ?

don manuel.

À moi. Mais la façon en est assez bizarre.