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LE SECRET À HAUTE VOIX.

avant d’entrer, n’oubliez pas que vous avez beaucoup à écrire cette nuit. Si donc votre dame vous attend, vous pouvez lui envoyer dire que ce ne sera pas pour aujourd’hui ; car si vous n’avez pas cette nuit une mission au dehors, vous n’en serez pas moins absent pour cette fois, je vous assure.

frédéric, à part.

Ô ciel ! qu’entends-je ?


Entre LAURA.
laura, à part.

Ici la duchesse et Frédéric ! Eh bien ! puisqu’elle m’ôte les occasions, je veux les lui ôter aussi. (Haut.) Je vois, madame, que votre altesse a fait un pacte avec le printemps, et le printemps doit être charmé.

la duchesse.

Comment cela ?

laura.

C’est que votre altesse le remplace dans ce jardin d’où elle ne sort plus, et qu’elle donne à la rose sa pourpre et au jasmin sa blancheur.

la duchesse.

Il est temps que je me retire. Allons-nous-en, Laura. (À Frédéric) Vous, ne tardez pas de venir avec les dépêches ; et en allant les chercher, vous pouvez donner avis de ce que je vous ai dit.

frédéric.

Je ne suis pas aussi heureux que vous le présumez, madame (il tire son mouchoir, et l’agite), et je pourrais d’ici même donner cet avis.

laura, à part.

Il a fait le signal. Attention !

frédéric.

Je suis bien malheureux, — madame, au contraire, j’éprouve à chaque instant des contrariétés, et ma vie n’est qu’un ennui continuel.

laura, à part.

Il a dit : « Je suis bien malheureux. »

frédéric.

Je ne puis vous parler aujourd’hui, — sans que votre altesse me montre que j’ai beaucoup perdu de son ancienne bienveillance.

laura, à part.

Il vient de dire : « Je ne puis vous parler aujourd’hui. »

frédéric.

Il m’est impossible de venir au jardin, — sans que votre altesse m’adresse ou quelque reproche ou des railleries qui ne m’affligent pas moins.

la duchesse.

Il suffit. Laissons cela.