Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome II.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
JOURNÉE III, SCÈNE I.

que je ne la crois pas. Il n’en est pas de la voix humaine comme de l’or ou de l’argent : quelle que soit la valeur réelle des paroles qu’elle exprime, elle rend toujours le même son[1]. Aussi j’écouterais vainement pendant des siècles, je n’en saurais pas davantage.

léonor.

Ah ! Carlos, si tu m’entendais !

don carlos.

Ah ! Léonor, si… (On frappe à la porte.) Mais on frappe à la porte d’entrée. Je vais refermer la mienne.

léonor.

Je ne puis pas même parler à son image sans qu’on vienne me troubler. Allons voir qui c’est. Peut-être aurai-je encore un moment de liberté… (Elle va ouvrir.) Qui est là ?


Entre DON PÈDRE.
don pèdre.

Le seigneur don Juan est-il chez lui ? (À part.) Mais, ô ciel ! que vois-je ?

léonor.

Il vient de sortir. (À part) Dieu ! mon père !

don pèdre.

Ô mon âme, quelle rencontre !

don carlos, à part.

Ne craignez rien, Léonor, vous avez un refuge dans mes bras !

Léonor entre dans le cabinet où est don Carlos.
don pèdre.

Elle a refermé la porte sur elle. Mais cela ne la sauvera pas. Lorsque je défends mon honneur, je puis affronter le monde entier, et renverser tous les obstacles. Brisons cette porte, en attendant que je puisse châtier la coupable comme elle le mérite.


Entre BÉATRIX.
béatrix.

Qu’est-ce donc ? que signifient ces cris, ce bruit ?

don pèdre.

C’est une colère, un désespoir qui demande à s’assouvir. C’est la foudre qui consumera tout ce qui voudrait s’opposer à sa rage.

béatrix.

Comment ! chez moi, tant d’audace ? Quel motif a pu vous porter à de pareils excès ?

  1. Que aqueste metal humano
    El mismo sonido tiene
    Quando es fino, y quando es falso.

    Calderon vent dire qu’au son d’une pièce de monnaie on reconnaît si elle est de bon ou de mauvais aloi ; mais qu’on ne peut pas reconnaître également au son de la voix, si celui qui parle dit la vérité ou un mensonge.