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LE PIRE N’EST PAS TOUJOURS CERTAIN.

don diègue.

Comment donc ?

ginès.

C’est que si la taille, la tournure et les habits ne me trompent, la voilà qui sort de sa maison.

don diègue.

Oui, c’est bien elle ; mais je ne voudrais pas lui parler si près de sa maison. Va lui dire tout doucement que je l’attends sous ce portail.


Entre INÉS avec sa mante.
inès, à part.

J’ai, de la fenêtre, aperçu don Diègue ; et, malgré mes craintes, je vais lui parler. Je n’ai pu refuser cela à ma maîtresse, qui compte sur mon adresse et mon zèle.

ginès.

À quoi bon ce voile, nymphe traîtresse, si votre tournure vous trahit et dénonce aux passans la perle des femmes[1] ?

inès.

Qu’est-ce donc, mon brave Ginès ?

ginès.

C’est que je boite.

inès.

Je le vois ; mais où as-tu attrapé cela ?

ginès.

En quittant la charmante Inès.

inès.

Tu mens, infâme !

ginès.

Oui, je l’ai attrapé en sautant du balcon en bas ; or, comme en ce moment je venais de te quitter…

inès.

Je discuterais ce point avec toi si je n’étais forcée d’aller en commission chez doña Violante ; et je ne voudrais pas que personne de la maison me vît causer ici avec un drôle de ton espèce.

ginès.

Bien ! fort bien ! mais d’abord, un mot à mon maître, qui t’attend à deux pas, et puis nous te laissons partir.

inès.

Ce serait encore pis. Si ma maîtresse savait que je lui eusse parlé, elle me tuerait.

don diègue, s’approchant.

Et pourquoi donc, Inès ?

  1. Littéralement : « Le chou-fleur des femmes. »