Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome II.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
335
JOURNÉE III, SCÈNE III.

On voit paraître sur le rempart FRÉDÉRIC et BENITO.
l’infant.

Ah ! mon cher frère !

l’infante, à part.

L’infant les voyant tous deux et ne sachant lequel est le prisonnier, lequel est le gouverneur, parle au premier comme à son frère.

hélène, à part.

Dieu me soit en aide !… Que vois-je ?… Quoi ! c’est là le prisonnier ? Je jurerais que je le connais.

antona.

Regardez donc, Berto, Belardo ; ou je suis ivre, ou ce prince-là n’est autre chose que Benito.

un villageois.

Ne parle pas tant, Antona ; regarde et tais-toi.

antona.

Pourquoi donc lui parle-t-on comme ça, puisque je le connais ?

l’infant.

Ô mon frère ! combien tes malheurs n’ont-ils pas fait verser de larmes à mes yeux ! Mais enfin je te vois, il suffit, tout est oublié.

benito.

Quoi ! c’est là l’infant mon frère ? En ce cas, il n’est pas bien malin mon frère l’infant. — Mais voilà Antona.

frédéric.

Tais-toi.

benito.

Tiens ! les princes ne peuvent donc pas parler à Antona.

frédéric.

Silence !

benito.

C’est bon ! ne criez pas si fort.

antona.

Berto, remarques-tu ce qui se passe ? — L’infant en personne est venu, et il parle à Benito comme s’il était le prince son frère.

frédéric, à part.

Je vais répondre pour tous deux de manière à prolonger leur erreur. (Haut.) Je suis si troublé, infant, que ne puis vous exprimer ma joie. Je me contente de sentir et de me taire.

Il s’éloigne avec Benito.
l’infant.

Maintenant, sire, permettez-moi de vous demander pourquoi vous renoncez à lui donner la main de l’infante Marguerite.

le roi.

Parce que je le crois incapable de gouverner.

l’infant.

C’est lui faire injure… Ou a toujours reconnu en lui une intelligence supérieure.