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LE GEÔLIER DE SOI-MÊME.

le jugez ; et plutôt que de vous donner à lui, j’aimerais mieux voir mon royaume à feu et à sang.

l’infante.

Eh bien ! dût mon père et mon roi me blâmer de m’obstiner dans ma folle passion, je ne serai heureuse que lorsque j’aurai épousé Frédéric, qui m’écoute en ce moment.

frédéric, à part.

Cette réponse me ranime.

benito.

Votre majesté en est témoin, ma cousine m’aime à la rage.

l’infante, au roi.

Que peut-on trouver à redire à cet amour ? Le prince Frédéric n’est-il pas de noble race ? n’est-il pas héritier présomptif du royaume de Sicile ?

le roi.

Sans doute ; mais quel homme !

l’infante.

Tout le monde l’estime pour son courage et son esprit.

benito.

Oh ! oui, décidément, ma cousine m’aime à la rage.

le roi.

Je suis confondu !… Penser que cet homme est prince, et que ma fille lui trouve du mérite !

l’infante.

Oui, mon père ; et je ferais l’éloge du prince Frédéric, s’il ne nous écoutait en ce moment.


Entre LE CAPITAINE.
le capitaine.

Sire, un ambassadeur du roi de Sicile attend que vous lui permettiez de se présenter devant vous.

roberto.

Allons, tout va se découvrir.

l’infante.

Cet ambassadeur vient à point pour vous dire la vérité.

le roi.

Il sera bien que je descende pour le recevoir. (À Benito.) Votre altesse peut rentrer chez elle.

benito.

Ma foi ! je n’en suis pas fâché ; je n’ai pas dîné, et j’ai faim. Je vais manger un bon pâté de veau froid, une demi douzaine de perdreaux, deux ou trois lapins, une trentaine de pommes de terre, un fromage et douze poires ; car on ne jeûne pas quand on est Albéric