Oui, seigneur don Diègue, c’est en vain que vous exagérez les tourmens de l’absence, vous ne pourrez jamais exprimer ce que j’ai souffert, moi toujours amante et toujours fidèle. (À part.) Combien j’ai de peine à cacher mon ressentiment !
Vive Dieu ! elle ne sait rien.
Comment vouliez-vous qu’elle l’eût appris ?
Comment vous êtes-vous trouvé du séjour de Madrid ?
Comme un homme éloigné de ce qu’il aime ; et dans cette situation, il n’y a qu’un seul plaisir à l’absence.
Lequel, je vous prie ?
De penser que l’on reverra l’objet aimé.
Le perfide !… La jalousie me ronge le cœur, et la rage me suffoque[1] ! (Haut.) Où en est votre procès ?
Je l’ai laissé au même point, l’état de ma santé m’ayant forcé de revenir.
Vous étiez donc malade ?
Oui, de ne point vous voir.
Il y a d’autres choses à voir à Madrid. Les dames n’y sont-elles pas aimables et charmantes ?
N’en ayant regardé aucune, je ne saurais en donner mon avis.
Aucune ?
Demandez plutôt à Ginès. — N’est-il pas vrai, Ginès, que j’ai été d’une constance exemplaire ?
Ma foi ! oui, madame, mon maître a été si constant, que je l’ai vu au moment de mourir d’amour.
Cela est possible ; mais pour qui ?
Et pour qui donc vouliez-vous que ce fût ?
- ↑ Littéralement : « J’ai dans le cœur un aspic, et autour du cou une corde. »