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AIMER APRÈS LA MORT.

sinat. Celui qui t’a frappé, c’est l’époux de Maléca, c’est don Alvar Tuzani !

alcouzcouz.

Et moi, chien de chrétien, être Alcouzcouz, et t’avoir enlevé ton bissac dans la montagne.

garcès.

Pourquoi me donnais-tu la vie, puisque tu devais me tuer ? — Holà ! sentinelle, au secours !


Entrent DON JUAN DE MENDOCE et DES SOLDATS.
mendoce.

Quels sont ces cris ? Entrons. Je reconnais la voix de Garcès, qui m’avait envoyé appeler. Que vois-je ?

Don Alvar enlève l’épée d’un soldat.
don alvar.

Donne-moi cette épée. (À Mendoce.) Seigneur don Juan de Mendoce, si vous êtes étonné de tant d’audace, je suis Tuzani, que l’on a surnommé le foudre de l’Alpujarra. Je suis venu pour venger la mort d’une beauté parfaite ; car il ne sait pas aimer celui qui ne venge pas ce qu’il aime. Dans une autre circonstance, j’allai vous chercher dans une autre prison, où nous nous sommes mesurés corps à corps, face à face, avec des armes égales. Si maintenant vous venez à votre tour me chercher dans celle-ci, vous pouviez venir seul : étant qui vous êtes, cela suffisait. Mais si c’est le hasard qui vous a conduit ici, un homme noble doit protéger de nobles disgrâces… Ordonnez qu’on me laisse sortir.

mendoce.

Je serais heureux, Tuzani, qu’en cette occasion mon devoir me permît de protéger votre retraite. Mais je ne puis manquer au service du roi, et le service du roi exige que je vous fasse mettre à mort dès le moment que je vous trouve dans son armée. C’est pourquoi vous mourrez.

don alvar.

Peu m’importe qu’on me ferme la sortie !… mon épée m’ouvrira un passage.

Il se bat avec les Soldats.
un soldat.

Je suis mort.

un autre soldat.

C’est un diable échappé de l’enfer.

don alvar.

Reconnaissez Tuzani, que la renommée appellera le vengeur de sa dame.

mendoce.

Avant de l’avoir vengée, tu mourras.

alcouzcouz, à part.

Bon ! le plus laid ne pas mourir toujours le premier.