Scène III.
À travers ces montagnes de flammes, à travers ces ruisseaux de sang, et foulant aux pieds les cadavres de mes frères, j’ai été entraîné par mon amour jusqu’à la maison de Maléca, maintenant toute ravagée par le fer et le feu. Ô épouse chérie ! qu’es tu devenue ? Je tremble… Je suis arrivé trop tard… je n’aperçois personne.
Hélas !
Cette voix lamentable que les vents m’apportent, ces cris douloureux étouffés par la faiblesse, frappent mon cœur d’une émotion inconnue… Que vois-je ? À la lueur sinistre de ces feux expirans j’aperçois une femme dont le sang paraît éteindre le funèbre incendie. C’est Maléca !… Ciel puissant !… sauvez-la ou tuez-moi.
Soldat espagnol, qui n’as su être ni cruel ni pitoyable, puisque tu m’as blessée sans daigner terminer mes souffrances, frappe-moi encore une fois ; je souffrirai moins par cette cruauté que par la pitié imparfaite.
Divinité infortunée, — car il est des divinités à qui le bonheur fit refusé sur la terre, — celui qui te tient entre ses bras ne veut pas te tuer. Non, non ! je voudrais plutôt donner ma vie pour te sauver.
Oui, à ces mots, à ce langage, oui, je reconnais que tu es de sang africain. Eh bien ! si mon sexe, si mon malheur me donnent quelque droit à ta pitié, accorde-moi une grâce. — À Gabia réside, en qualité de gouverneur, mon époux Tuzani ; va, va sur-le-champ le trouver ; porte-lui, en mon nom, un dernier embrassement ; dis-lui que sa fidèle épouse, frappée par le fer d’un Espagnol qui a préféré à l’honneur les bijoux et les diamans, est morte à Gaîère, baignée dans son sang.
Maléca, ce dernier embrassement je n’ai pas besoin de le porter à ton époux… c’est lui-même qui le reçoit, — lui-même qui te le rend avec douleur. Hélas ! mon désespoir ne m’abusait pas.